Richard Ortoli est le président de l’association corse et du comité des associations de New York. Il exerce en tant qu’avocat d’affaires à New York. Il nous expose sa perception des relations franco-américaines et son parcours.
Vous êtes aujourd’hui avocat à New York à votre compte, quel a été votre parcours ?
J’ai fait des études de lettres en Angleterre. J’ai recommencé des études de droit aux Etats-Unis pour avoir une qualification américaine. En 1980, je suis sorti de la fac de droit. J’ai travaillé pendant 6 mois au Brésil dans un cabinet d’avocats. Puis comme avocat plaidant à Los Angeles. En 1983, je suis revenu à New York et ai intégré un cabinet d’avocats européen. J’y ai créé le département français et suis parti pour me mettre à mon compte. Je me suis spécialisé dans le droit commercial et fiscal pour une clientèle internationale.
Vous n’avez jamais souhaité rentrer en France ?
Mon père était diplomate et j’ai vécu peu de temps de mon enfance en France, juste les grandes vacances. Je n’avais pas un profil français où il fallait rentrer dans le moule. J’avais un diplôme universitaire d’Angleterre qui valait beaucoup en Angleterre. Pas en France. Etant français, si je voulais avoir le diplôme de Sciences Po, je devais passer par les mêmes circuits que les Français sans que mon diplôme anglais ne soit reconnu.
Vous êtes président de l’association corse des Etats-Unis et président du comité des associations de New York*, quelles sont vos motivations ?
Mon père est corse bien que né en Australie…Les Corses s’expatriaient beaucoup. L’association corse américaine, fondée en 1949, est de nouveau active depuis le début des années 90. A titre personnel, c’est pour moi l’occasion de maintenir des contacts avec la Corse et d’offrir à ce pays un autre point de vue, celui du rêve américain.
* Représente une cinquantaine d’associations
Quels sont, selon vous, les plus grands traits de caractère des Américains ?
Ils sont ouverts à tout, ils posent beaucoup de questions. Les Français ont réputation, à raison, d’être rigides dans leur façon de penser. Il y a une strucutre, des catégories. La France est un vieux pays avec une histoire. Les Américains sont plus simples. On va droit au but, il n’y a pas de « valse » autour de la personne, pas de vouvoiement, les rapports sont plus faciles. Sur les rapports profonds, l’amitié est de meilleure qualité en France. Il y a en Amérique moins d’idées reçues, tout est possible. C’est un pays très efficace. A New York, les affaires se font facilement.
Quelle est votre perception des relations franco-américaines tendues à la suite des prises de positions avant la guerre en Irak ?
Nous avons été très choqués par le manque de subtilité des 2 partis. Il y a peu de gens ici que je rencontre qui sont inconditionnellement pour la position française. A partir du moment où Bush a choisi de partir, dire que « quoique vous fassiez, je donnerai mon veto », n’était pas très habile. On est dans une ville à tendance libérale et donc plutôt contre la guerre. On nous a fait des reproches à moitié en blaguant « on se verra après la guerre ». Le résultat de cette position rigide est que les Etats-Unis ne passeront plus par l’ONU, nous n’aurons plus d’influence. Il y a un courant extrêmement désagréable dans l’Amérique profonde, il ne faut pas dire qu’on est Français !
Qu’est-ce que vous aimez moins chez les Américains ?
La superficialité dans les rapports. A New York, on a des rencontres très intéressantes. En dehors, le niveau de connaissances est très bas. En France, en province, on est mieux informés que l’Américain moyen. Les journaux américains sont nuls et la télévision n’est que propagande.
Quels sont vos loisirs ?
Je fais de la plongée sous-marine, du ski. J’avais aussi différentes affaires dans l’immobilier et dans la chaussure pour femmes en fabriquant en Asie.
Qu’est-ce qui explique toutes ces activités ?
Je suis sur terre pour m’amuser. C’est une chose qu’on peut faire aux Etats-Unis, pas en France. Ce n’est pas possible d’exercer autre chose que la profession d’avocat à moins d’avoir une autorisation expresse du bâtonnier. Le moment présent est plus important et il faut en profiter sinon la vie ne vaut pas la peine.
Si vous deviez quitter les Etats-Unis, qu’est-ce qui vous manquerait?
Cette facilité dans les rapports et le minimum de contraintes à tous les niveaux. Il n’y a pas de barrières, les règles sont moins mises en évidence ici.
Comment voyez-vous les différences entre les entreprises françaises et américaines ?
En France, il y a des droits acquis. Aux Etats-Unis, l’efficacité est primée. On a des résultats. En France, ce n’est pas le cas. Les gens ne sont pas motivés. Quoi qu’il arrive, l’Etat donnera ce qu’il faudra. La présence française aux USA est due aux grosses sociétés. C’est une culture. Il y a très peu de très petites et moyennes entreprises françaises qui ont pu accumuler assez d’argent pour faire le pas contrairement aux petites entreprises italiennes qui sont beaucoup plus nombreuses ici par exemple. Les Américains font des études différentes et peuvent changer de métier, d’Etats, de secteurs. Venir aux Etats-Unis, c’est faire ce que ferait le Français atypique.
Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?
C’est horriblement difficile de trouver un job aux Etats-Unis. Je préfère décourager les gens. Il faut aussi qu’il trouve un visa. La conjoncture économique est mauvaise et les boulots ouverts aux étrangers sont plus rares.