André Bordes, directeur fondateur de la San Diego International School et consul Honoraire à San Diego nous parle de son expérience dans l’éducation aux Etats-Unis.
Comment est né votre projet de création d’une école française à San Diego ?
C’était une initiative personnelle qui sortait un peu des sentiers battus car une école se crée souvent par l’action d’un ensemble de sociétés employant des expatriés, par des associations de parents d’élèves ou par les consulats.
J’ai soumis mon projet à l’attaché culturel du Consulat de France à Los Angeles en avançant que San Diego étant la 7ème ville des Etats-Unis, elle devait donc avoir une école française. J’ai démarré l’école en 1988 avec ma femme. Elle s’appellait d’abord the French-American School. Il y a 5 ans, on a changé le nom de l’école pour l’appeler la San Diego International School. On voulait attirer plus d’Américains. En fait les Américains aiment bien quand il y a le mot French… !
Vous avez dû recevoir certaines homologations pour enseigner ?
C’est une association à but non lucratif. Nous avons été reconnu par le ministère de l’éducation nationale en 1990 et chaque année nous recevons l’homologation de l’AEFE (agence de l’enseignement français à l’étranger).
Comment se sont passés vos débuts dans cette aventure ?
Les écoles homologuées françaises sont de vraies petites entreprises. Au départ, j’ai investi mon argent personnel et je ne me suis pas payé de salaires pendant plusieurs années. J’avais pu amassé un capital suffisant pour tenir quelques temps avec mes missions d’enseignement à l’étranger. Cela demande des sacrifices : argent, temps, santé…etc.
Quel est votre programme d’enseignement ?
Nous enseignons (au minimum) les programmes français et américains à raison de 70% en langue française et 30% en anglais.
Qui sont vos élèves ?
Nous avons 150 élèves dont une moitié de Français et l’autre moitié d’Américains. C’est ouvert pour tous les enfants à partir de 3 ans (2 ans en septembre) jusqu’à la 4ème (8th grade). Après, les enfants peuvent rejoindre soit la High School américaine soit la High School française.
Faites vous une sélection ?
On n’accepte pas les enfants qui ne parlent pas français à partir de 7 ans. On ne peut pas accepter des enfants qui ont des difficultés d’apprentissage.
Les frais de scolarité sont assez élevés ?
Les frais sont de l’ordre de $8000 à $10.000 par an. Cela paraît cher mais, en tant que trésorier de l’association des écoles françaises aux USA (AFSA), je peux vous dire que celle-ci fait partie des moins chères. Il existe des écoles beaucoup plus chères comme l’école franco-américaine de New York où les frais s’élèvent à $25.000 en terminale… En moyenne, c’est autour de $12.000 à $15.000.
Quelle est votre formation au départ ?
Je suis professeur des écoles. J’ai commencé à enseigner à Metz puis je suis parti enseigner au Canada, dans le golfe persique pendant 3 ans et au lycée français de Los Angeles. C’est là que j’ai rencontré ma femme qui était étudiante à UCLA.
Comment voyez-vous les différences entre Français et Américains dans l’éducation scolaire ?
Nous sommes à 2 extrêmes et nous essayons dans notre programme d’enseignement de prendre le meilleur des 2 mondes. Les Américains donnent beaucoup d’importance à l’amour de soi-même ou « self-esteem », à la confiance en soi. Les efforts sont faits sur l’enfant américain pour qu’il soit bien dans sa peau, qu’il sache s’exprimer clairement à l’oral, qu’il s’adresse facilement à l’adulte. En France, d’après notamment ce que nous disent les parents américains, on est mieux structuré, les cahiers de leçons sont plus propres. Un parent français va demander à son enfant : as-tu bien travaillé aujourd’hui ? Un parent américain demandera : Did you have fun today ? L’Américain va penser à l’équilibre de son enfant, le Français pas forcément.
Comment jugez-vous l’enseignement américain ?
Dans les écoles publiques, il se dégrade de plus en plus. Les professeurs n’arrivent pas à exiger des choses des enfants. Ils ne travaillent pas assez sur le fond mais beaucoup sur la forme. Le professeur américain vérifie d’abord ce qu’il a le droit de faire. Il risque en effet de nombreux procès s’il lève trop la voix, s’il humilie un élève devant un autre, etc…
Quel est le rôle d’un directeur d’école aux USA ?
Il a un rôle plus important qu’en France, c’est un vrai chef d’entreprise. Les parents ici sont des clients. Il existe un guide du professeur précis avec des règles de conduite à respecter notamment vestimentaires (dans mon école, j’oblige les professeurs à porter la cravate). Le directeur peut inspecter les professeurs. C’est une entreprise. Les professeurs sont en contrat, avec des contrats « standards » américains, le « contract at will », qui permet de se séparer du jour au lendemain. Je pense également à donner des salaires liés au mérite. Rassurez-vous, nous sommes une très bonne équipe de professeurs !
En complément de votre fonction de directeur, vous êtes également consul honoraire à San Diego, pouvez-vous nous en dire plus sur vos activités dans ce cadre ?
Je suis consul honoraire à San Diego depuis décembre 2003. C’est une antenne française ici. Je m’occupe d’aider les Français de San Diego, d’aider au renouvellement des passeports, de voir ceux qui sont en prison, qui ont besoin d’un avocat, d’une aide sociale, de démarches administratives..etc. Je représente la France vis-à-vis des autorités américaines.
Qu’est-ce qui vous a surpris à votre arrivée aux US ?
J’ai commencé en tant que professeur au lycée français de Los Angeles. Je ne m’attendais pas à voir des parents affluents et influents à ce point.
Quels sont selon vous les principaux traits de caractère des Américains ?
Ils sont opportunistes, réalistes et reconnaissent le talent par les faits et non seulement les mots, ils choisissent des solutions pratiques. Le Français parle beaucoup, l’Américain donne suite aux décisions. Il a aussi des mauvais côtés, comme parfois de l’arrogance mais de très mauvais je n’arrive pas à en trouver ! L’Américain peut être très procédurier. Il est assez naïf, il croit les grands mots, il est impressionnable. (Je pense à G.W.Bush).
Quels conseils donneriez-vous aux Européens qui s’installent ?
Je leur conseille de venir jeunes pour s’adapter, dès 18 ans. Après 35 ans, on a plus de mal. On a pris des habitudes professionnelles. On travaille beaucoup d’heures ici. On peut en voir le fruit pécuniaire aussi et pas seulement dans les métiers « nobles ».