Philippe Coignet nous raconte son expérience de jeune architecte aux Etats-Unis et ses projets de création d’une agence…en France, les Etats-Unis demandant un réseau de relations long à acquérir et donc peu accessible aux jeunes professionnels contrairement à ce qui existe pour la création d’entreprise en général, plus facile aux Etats-Unis qu’ailleurs (en tout cas au début…).
Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?
J’ai fait des études de géographie à La Sorbonne et à l’école d’architecture de paysage pendant 4 ans à Versailles. J’ai fait un stage au Canada et j’ai été invité par l’université de Pennsylvanie à Philadelphie qui m’a offert une bourse de 40.000$ par an pendant 2 ans !
J’avais reçu une proposition de l’Université du Québec à Montréal mais les Etats-Unis m’attiraient plus. Je pensais au départ ne rester que le temps du programme de Masters mais cela fait plus de cinq ans et demi que j’y suis aujourd’hui.
Que pouvez-vous nous dire sur votre passage à l’université américaine de Pennsylvanie ?
C’est une expérience qui m’a beaucoup aidé.
J’avais un rythme de travail de 7 jours sur 7 et 17heures par jour, ce qui m’a permis de m’adapter au rythme de la vie professionnelle ici… Les professeurs viennent du monde entier ou la relation avec les étudiants est plus chaleureuse. L’outil informatique est aussi utilisé constamment, ce qui prépare plus au monde du travail. Enfin, on sent une compétition saine entre étudiants, ce qui n’est pas le cas des universités françaises….
J’y ai obtenu Un « Master of Landscape Architecture ».
Votre diplôme en poche, qu’avez-vous fait ?
Je ne voulais pas rentrer en France immédiatement. J’ai commencé dans une première agence d’architecture où je suis resté 1,5 an en Californie. J’avais effectué un stage de 3 mois pendant ma première et deuxième année de Masters. Ils m’ont offert une place à la fin de mes études. J’ai travaillé sur la construction d’espaces publics ce qui est la spécialité des architectes paysagistes. Mes projets étaient en Chine, Nouvelle Zelande, et Californie.
Comment avez-vous géré vos problèmes de visa ?
L’agence m’a sponsorisé pour un visa H1B. Le visa coûte $1000 et l’avocat qui a entrepris les démarches $2000. Cela a mis 7-8 mois pour obtenir le visa ce qui est une période assez courte. Depuis le 11 septembre 2001, les délais sont beaucoup plus longs. On peut très bien se passer d’un avocat si on connaît bien la démarche à suivre.
Vous avez ensuite changé d’agence ?
Un des partners de l’agence a fondé sa propre agence. Je suis parti avec lui et j’y travaille depuis 2,5 ans. Nous avons eu la chance de faire parti d’une des équipes finalistes sur le concours du World Trade Center.
Souhaitez-vous rentrer en France ?
J’aimerais monter une agence en France d’ici deux à trois ans. A un moment donné, si on veut pratiquer son métier dans son pays, il existe des lois, des règlements, des codes et il faut les connaître pour avancer.
Ne pensez-vous pas que cela soit plus compliqué de créer son agence en France plutôt qu’aux Etats-Unis ?
La notion d’espace public est plus recherchée en Europe. Les projets aux US passent par des architectes, des clients ou promoteurs privés mais il n’y a pas d’appel d’offres public. En France, au-delà de 60.000 euros dépensés dans un espace public, le règlement d’appel aux offres publiques s’applique avec un concours.
Aux Etats-Unis, il faut avoir beaucoup de connexions pour démarrer. En France, c’est une chose commune de voir des jeunes agences. Ici, c’est très rare.
Qu’est-ce qui vous a plu aux Etats-Unis?
L’efficacité avec laquelle on travaille. Les objectifs sont plus définis ; il y a moins de personnes qui prennent des décisions, donc c’est plus précis. En France, c’est peut-être plus démocratique, plus libre mais on prend plus de temps et c’est moins efficace. La confiance est plus établie entre les individus. La notion de travail est plus valorisée aux Etats-Unis. On a plus de chances de s’en sortir si on travaille.
Qu’est-ce que vous aimez moins ?
La notion de temps libre est ici très peu cotée. On n’a guère que le week-end de Thanksgiving, le 4 juillet et 10 jours de vacances. En France, même si on a moins d’argent, la richesse c’est le temps.
Qu’est-ce qui vous a surpris dans ce pays ?
On a l’impression que les Etats-Unis sont un pays facile sans contraintes. C’est faux. Il existe beaucoup de règles. Un dealer de drogue peut passer moins de jours en prison qu’un voleur. Il y a un dicton américain qui dit : « Il est plus facile d’acheter une arme que d’acheter une bière ».
Que pensez-vous de la Californie où vous vivez ?
La Californie est une terre d’accueil et de passage pour nombre d’asiatiques et d’autres origines. Il y a un « melting pot » énorme. Les gens avec qui je sympathise sont à 75% non-américains de la dernière génération, c’est d’une richesse incroyable.
Quelle est l’image de la France vue des US ?
La France attire toujours pour sa culture, sa complexité, ses produits de luxe et tout ce qu’on peut labeliser « French ». Le différend avec les Etats-Unis, c’est oublié. Les Américains n’oublient pas mais avancent dans leurs points de vue plus rapidement que nous en fonction des événements.
Comment qualifiez-vous les cultures française et américaine ?
La France, c’est l’authenticité, le respect d’une tradition, le temps passé entre les gens. Ce ne sont pas des priorités dans la culture américaine qui valorise plutôt la richesse et l’efficacité, l’accomplissement de soi au travers de son travail.
Comment voyez-vous les Etats-Unis dans 50 ans ?
J’espère que ce sera toujours une terre d’accueil, un lieu qui fera rêver. Les pays du Sud ont besoin de s’identifier à sa liberté de penser, d’écrire. J’espère qu’après les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis pourront garder cet identifiant vis-à-vis des autres pays. Ils ferment leurs frontières à grande allure surtout pour les Mexicains. J’ai un peu peur de cela.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui s’installent ?
Beaucoup de choses peuvent se passer plus rapidement aux Etats-Unis et les possibilités sont grandes mais cela ne veut pas dire qu’en posant ses valises on y arrive à coup sûr. Si on ne connaît pas le marché, les règlements.., on peut très facilement se planter. Certaines étapes sont à ne pas manquer. N’hésitez pas à aller pousser la porte d’un employeur pour visiter son entreprise, demander des conseils. Cela se pratique plus couramment ici.
Concernant les visas : il est plus facile d’avoir un visa de travail en étant étudiant avant.