Marc Leca nous livre son témoignage particulièrement intéressant : la chance lui a souri en gagnant sa carte verte à la loterie et en lui permettant d’investir dans la création de son entreprise aux Etats-Unis.
Comment êtes-vous arrivé aux Etats-Unis ?
J’ai joué à la loterie de la carte verte en 1996 avec mon meilleur ami et j’ai gagné ! Je me suis dit que c’était une chance énorme et un signe du destin. Des millions de gens essayent et moi du premier coup, je gagne ! J’ai tout plaqué : mon job dans la banque, ma famille, mes amis et j’ai fait mes valises.
Quel a été votre parcours aux Etats-Unis ?
J’ai commencé à travailler avec des personnes de ma famille basées dans le Nord de la Floride mais je me suis rendu compte que je ne les connaissais que pour les 3 semaines qu’ils venaient passer en Corse chaque année. J’étais loin de tout et notamment du centre névralgique ; aussi j’ai décidé de partir pour Miami en 1997 où j’ai commencé à faire des petits boulots.
Une fois arrivé à Miami, comment avez-vous trouvé votre job dans la restauration ?
Si je vous le dis, vous ne me croirez pas… Un jour, je mangeais dans un restaurant français, Les Halles à Miami en lisant l’Equipe. La Head manager de l’établissement est venue me voir et je lui ai dit que je cherchais du travail. Elle m’a demandé si je trouvais la nourriture à mon goût, si j’avais des papiers en règle et j’ai été embauché sur le champ comme directeur du restaurant ! (sans aucune expérience dans ce domaine).
Vous avez ensuite décidé de créer votre entreprise aux Etats-Unis ?
J’ai travaillé dur pendant environ 3 ans dans le restaurant où j’ai d’ailleurs beaucoup appris et assuré l’aspect financier de mon quotidien. Je suis rentré 15 jours en Corse et j’ai rencontré l’inventeur d’une alarme à énergie solaire pour piscine. J’ai signé un contrat d’exclusivité de distribution pour la Californie et la Floride car je trouvais le concept très intéressant. De retour à Miami j’ai monté ma société Leca Entreprise Inc. Le marché était énorme : en 1999, il se construisait 100 piscines par jour en Floride et il y avait un parc de 798.000 piscines !
Votre création d’entreprise n’a pas fonctionné comme vous le souhaitiez ?
J’ai effectué les démarches avec la douane, j’ai prospecté pendant 1 an auprès des professionnels aux Etats-Unis. Tout s’annonçait bien et rose. J’ai quitté mon travail au restaurant, faute de temps et mon patron m’avait dit à l’époque « Tant que vous n’avez pas le 1er dollar gagné par votre entreprise, ne lâchez surtout pas votre job ». L’avenir a montré qu’il avait eu raison. Du jour au lendemain, mes partenaires m’ont retiré la délégation de signature et les contrats d’exclusivité signés se sont révélés sans valeur juridique. Echec cuisant par faute de vigilance et d’une trop grande confiance accordée à des inconnus. Pour info, ce produit est aujourd’hui un grand succès mondial !
Comment avez-vous réagi face à cet échec ?
Le ciel vous tombe sur la tête dans cette situation. Mes 30 ans ont sonné et comme mon père commençait à vieillir, j’ai décidé de rentrer en France même si je n’avais pas très envie. J’ai une amertume mais pas de regret. Je connais beaucoup d’exemples de projets d’investissement qui n’ont pas abouti. Les boulangeries françaises par exemple : dans les années 80, elles ont beaucoup investi aux Etats-Unis et cela n’a pas toujours fonctionné. Dans les années 90, le marché était plus mûr et avec des moyens moins importants, certains sont devenus millionnaires ! Les mentalités, les goûts avaient changé…
Quelle leçon en avez-vous tiré ?
Il y a une part de destin, de chance, de pragmatisme. Il ne faut pas viser l’utopie. On ne nous attend pas. Il y a beaucoup d’expats aux Etats-Unis, des compétences du monde entier et il faut être très fort, avoir de la chance et de l’argent. Je sais que je suis passé à côté de quelque chose. Comme disait mon père : l’Amérique c’est pas le Pérou! Et gare à la chute ! J’y ai perdu beaucoup d’argent, de sueur et certainement gagné un ulcère, mais j’y ai surtout laissé mes espoirs et perdu mes rêves; pour autant pas un jour je n’ai regretté ces 4 années. L’erreur aura été de rentrer en France où tout est définitivement bloqué, sclérosé et ancré dans une Europe tournée vers le passé et le manque d’ambition.
Comment avez-vous été accueilli à votre retour en France ?
Le retour a été douloureux, j’étais celui qui venait de se prendre une grosse claque, celui qui avait eu les yeux plus gros que le ventre, qui pensait faire mieux que les autres et se sortir de sa situation. Pour mes parents aussi ce fût difficile de voir leur fils revenir avec ses ailes et ses rêves brisés.
Votre vie en France vous permet-elle d’avoir toujours cette ouverture vers les Etats-Unis ou l’international ?
Aujourd’hui mon amertume est balayée car j’ai vécu quelque chose de fantastique qui m’a ouvert l’esprit. Je ne suis plus le même homme et je ne ferme pas cette fenêtre sur l’ailleurs, sinon je suis « mort ». Je sais maintenant que tout est possible et à tout âge. Aujourd’hui on ne parle que de la Chine pour gagner de l’argent mais à mon sens il faut aussi prendre en considération le cadre de vie et sa qualité qui va avec. Entre les faubourgs de Pékin ou ceux de San Diego mon choix est vite fait…et s’il fallait repartir, les valises sont sur le pas de ma porte !