Olivier Desaintmartin, nous raconte son expérience aux USA en tant que chef cuisiner.
Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?
J’ai beaucoup voyagé avec mes parents qui m’ont donné le goût de l’aventure; donc à l’époque comme beaucoup de chefs partaient aux USA j’ai voulu faire la même chose.
Vous avez eu l’occasion de travailler dans de nombreux restaurants prestigieux dans le monde. Avez-vous constaté une différence particulière, dans la façon de travailler, dans les objectifs à atteindre, ou autre, entre ces établissements et ceux où vous avez travaillé aux USA ?
Il ne faut quand même pas comparer les années 1980 aux années 2010 ! Des changements il y en a eu, des bons et des mauvais dans les deux sens ! Mais ce qu’il y a de différent aux USA par rapport à la France (je répète que je suis aux USA depuis 1985), c’est que ici le travail est très intense (des fois 2 ans sans vacances) mais par contre la rémunération est aussi plus avantageuse. Egalement les relations patrons/employés sont plus aisées.
Qu’est-ce qui vous a surpris à votre arrivée aux US ?
Les gens sont plus eux-mêmes. Plus de diplomatie et de compréhension entre les individus. La vie est beaucoup moins chère. Mais on ne peut pas rester sans travailler. Il n’y a aucune sécurité sociale.
Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis ?
Les gens écoutent avant d’argumenter. La majorité des gens aident et se sacrifient pleinement pour aider dans une situation quelconque.
Les gens vont de l’avant pour obtenir quoique ce soit au lieu de se plaindre. Ils travaillent dur car ils n’ont pas le choix. La vie est plus facile, les options sont indéterminables.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la réalisation de votre projet ? Et en général, dans la vie quotidienne aux Etats-Unis?
En fait j’ai deux restaurants et à part mettre de l’argent de côté pour être à 100 % propriétaire, je n’ai pas rencontré d’obstacles majeurs; au contraire cela s’est fait très naturellement.
Je suis ici depuis 1985, marié et j’ai une fille de 22 ans et la vie de tout les jours est belle.
Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient également ouvrir un restaurant aux Etats-Unis ?
Les Chefs français ne sont plus désirés comme dans les années 70 ou 80, donc les visas de travail (pour ce travail) sont plus difficiles à obtenir. Nous devons admettre qu’il y a des milliers de chefs américains aussi bons que les chefs français, donc sachant ceci, il n’y a plus d’urgence dans ce domaine. Ceci dit, il y a toujours des possibilités mais moindres. Je pense qu’un investisseur (avec un concept et de l’argent) pourrait définitivement s’installer aux USA sans trop de problèmes.
La cuisine française est considérée comme une référence en matière de gastronomie. Cette réputation est également valable aux Etats-Unis, jusqu’à quel point ?
La cuisine française a été fortement appréciée dans les années 70, 80 et 90, c’était presque une cuisine exotique pour beaucoup de gens. Maintenant il y a tellement de cuisines exotiques que la cuisine française qui a toujours cette réputation de qualité est un peu délaissée par rapport à des cuisines plus folkloriques et plus nouvelles. Ceci dit, dans des villes comme New York, Washington, Chicago, Philadelphie, San Francisco, la Cuisine Française sera toujours demandée, respectée et appreciée. Je vois à Philadelphie, nous avions une trentaine de restaurants français (pas tous avec des chefs français) et maintenant nous en avons peut-être 10.
Avez-vous remarqué des différences significatives entre vos clients Américains et Français (attitude, …) ? Une anecdote à ce sujet ?
Je suis ravi d’avoir des Français dans mes restaurants mais je ne vois pas pourquoi ils mangent français en Amérique ! Ma clientèle est différente dans les deux restaurants. A ZINC, c’est une clientèle qui a voyagé en Europe et qui veut se replonger pendant quelques heures dans un petit restaurant du Marais à Paris (sophistiquée dirais-je) et à Caribou Café ce serait plus une brasserie avec toutes les classes représentées. Mais soyons direct et franc : La plus grande différence entre les Français et les Américains est à l’addition : Les Américains laissent un pourboire entre 15 et 25% et le Gaulois entre 0-10%. Leur réputation n’est pas terrible ! Et si vous me demandez, il n’y a pas d’excuses pour cela ! Pas de bla bla bla, ignorance n’est pas une excuse ! Voila je l’ai dit ! C’était la question n’est ce pas ?
Comment avez-vous fait pour allier cuisines française et américaine ? Un exemple, pour nous mettre l’eau à la bouche ?…
Trop de « fusions » avec d’autres cuisines ont été faites. Je suis plus un traditionnel donc j’ai gardé un menu très français mais à Caribou j’ai un délicieux burger et une très bonne Caesar salad. Le burger peut être agrémenté de fromage de chèvre et de tranche de bacon fumées deux fois.
Quel est votre plat français préféré ? Et américain ?
Mon plat favori est quelque chose de simple, celui qui sent bon et qui ressemble à celui que j’ai goûté quand j’ai grandi. Américain ? J’aime les crabcakes et leurs sandwiches.
Si vous aviez mieux connu les Etats-Unis avant de partir, auriez vous fait les choses différemment ?
Au point de vue travail, non car à l’époque, il fallait savoir faire la cuisine pour l’éduquer. D’un point de vue général, oui j’aurais dû apprendre l’Anglais un peu plus sérieusement.
Pensez-vous que votre carrière aurait évolué différemment si vous étiez resté en France ?
Incontestablement, je me suis marié avec une femme fantastique, je vis très bien, je peux maintenant, tout en travaillant, prendre du retrait alors que je n’ai que 50 ans.
Quels sont, selon vous, les plus grands traits de caractère des Américains ?
Ils sont eux-mêmes, serviables, orientés très famille, friands d’apprendre à n’importe quel tour et détour de leur vie.
Quelle est la qualité que vous préférez chez les Américains ?
Leur simplicité et leur bénévolat.
Et celle que vous détestez ?
Leur jugement de l’importance contre l’inimportance.
Si vous deviez rentrer en France, qu’est-ce qui vous manquerait des US ?
Le système fiscal et la diplomatie des gens.
Rentreriez-vous en France ? et Pourquoi ?
Oui, 3 mois par an pour la beauté des villes, des villages, des campagnes et des marchés.