Une implantation réussie d’une entreprise aux USA dépend, souvent en grande partie, d’une bonne préparation préalable. Une connaissance minimale de l’environnement culturel s’impose. Les différents services disponibles en France et aux Etats-Unis s’avèrent aussi, à l’expérience, d’une grande utilité.
Environnement Culturel
Réputés pour leur environnement libéral, marqué par une longue tradition de faible interventionnisme de l’administration fédérale, un accès libre au marché, des formalités réduites et généralement peu contraignantes, une pression fiscale moindre que dans la plupart des pays européens, le libre rapatriement des dividendes et des capitaux, les Etats-Unis offrent un climat d’accueil incontestablement favorable aux investissements étrangers.
Ces caractéristiques, pour être exactes, ne doivent toutefois pas conduire un investisseur potentiel, à sous-estimer, dans la préparation d’une implantation, deux traits essentiels du marché américain.
L’omniprésence du droit dans la vie des affaires
L’environnement juridique est plus complexe qu’en France. Le fédéralisme est une réalité forte. Les Etats-Unis sont constitués de 50 Etats. Tout intervenant doit se conformer à deux systèmes juridiques principaux, celui de l’Etat fédéral et celui de chaque Etat, auxquels peuvent s’ajouter parfois des réglementations particulières de la compétence des autorités locales (communes et comtés). A cette dualité des systèmes juridiques correspond, sur le plan judiciaire, la coexistence de deux ordres de juridictions aux compétences distinctes: celles des Etats (à ce niveau se règle la grande majorité des litiges aux Etats-Unis) et les juridictions fédérales, soit, au total, 51 systèmes judiciaires.
A cette complexité structurelle du droit américain s’ajoute celle issue du rôle traditionnellement dévolu à la jurisprudence dans les pays de Common Law. Aux côtés d’une importante législation et codification, la jurisprudence y joue, en tant que source du droit, un rôle plus important qu’en droit français; la capacité d’initiative des juges y est plus grande, les jugements reflètent rapidement les évolutions socio-économiques et sont plus largement inspirés de considérations pratiques. A titre d’exemple, la responsabilité du fait des produits y a connu un développement rapide dicté par le souci de protéger de plus en plus le consommateur.
La tradition procédurière est plus développée que dans les autres pays. Les litiges ou la menace d’actions contentieuses conçues comme un moyen de pression, sont incomparablement plus fréquents aux Etats-Unis. Les individus hésitent moins qu’ailleurs à attraire en justice: cette tendance est encouragée, sans doute, par la pratique des honoraires proportionnels au résultat, contingent fees, en particulier en matière d’accidents corporels, personal injury, ou de responsabilité du fait des produits, product liability. Les conséquences pécuniaires y sont également plus lourdes. Les dommages et intérêts atteignent, communément, des montants largement supérieurs à ceux alloués en France; dans certains domaines, droit de la concurrence, antitrust, et droit des brevets notamment, ils peuvent être triplés (même si ces montants sont finalement réduits ou annulés dans le cadre de procédures d’appels); les condamnations peuvent s’alourdir de punitive damages exorbitants (véritable amende judiciaire, sans équivalent en droit français, visant, non à réparer le préjudice, mais à sanctionner, de manière exemplaire, le comportement de l’auteur de l’infraction).
Le coût des frais de justice est très élevé, en raison notamment de la procédure originale de discovery: cette enquête, aussi lourde qu’onéreuse, est menée par chaque partie, à ses frais pour recueillir, préalablement à l’audience du procès, par différents moyens (interrogatoires écrits et sous serment, dépositions, avis d’expert…), toute information ou documentation pertinente. Aussi, bien que les coûts d’une procédure militent en faveur d’arrangements amiables, (seules 6% des actions judiciaires donneront finalement lieu à jugement, les autres seront transigées) toute entreprise doit être consciente que le risque judiciaire est une donnée non négligeable du contexte américain.
L’implantation aux Etats-Unis impose le respect d’un circuit différent
a) Conséquence directe de l’importance du droit, les avocats, lawyers, tiennent une place et un rôle essentiels dans la vie des affaires aux Etats-Unis. En pratique et de façon systématique, les Américains ont pour les actes les plus communs et courants recours à un avocat, même en dehors de toute perspective contentieuse. Les avocats interviennent à tous les stades, aussi bien sur le plan contentieux qu’en qualité de conseils juridiques pour les stratégies d’implantation, la rédaction des contrats (les principes de base y sont semblables à ceux des pays occidentaux mais les parties s’attachent plus qu’ailleurs à fixer, par écrit et dans le détail, leurs relations contractuelles) ou la gestion des opérations courantes.
Dans le cadre d’une implantation, la consultation d’un avocat est impérative: en effet, les modalités d’implantation doivent prendre en compte plusieurs facteurs (montant des capitaux investis, nécessité de recourir à une participation tierce, les obligations de déclaration et d’information, le degré de contrôle exercé sur la structure….); c’est ainsi que l’avocat conseillera utilement sur le lieu d’implantation et le choix de la structure juridique la mieux appropriée; il rédigera l’ensemble des actes nécessaires à la constitution de la structure retenue et effectuera les différentes formalités et démarches administratives. Les avocats sont eux-mêmes beaucoup plus spécialisés qu’en France. Si un seul interlocuteur est souhaitable, il est fréquent que l’implantation aux Etats-Unis nécessite, l’intervention de plusieurs avocats dans des domaines différents: ainsi par exemple droit des sociétés, de l’immigration, droit fiscal, droit immobilier, droit des marques, des brevets, de l’environnement, de la responsabilité du fait des produits.
N’oublions pas de signaler un aspect souvent méconnu des entreprises françaises: les prestations des avocats américains sont, généralement, facturées en fonction du temps passé sur la base d’un tarif horaire, plus élevé qu’en France, variable selon la qualité et la spécialisation de l’avocat, la nature et la difficulté du problème confié.
b) Le recours à un comptable est, également, un passage obligé, au moins pour la clôture des bilans et les déclarations d’impôts relativement compliquées aux Etats-Unis (impôt fédéral, de l’Etat, parfois de la ville comme à New York). Les cabinets comptables offrent une gamme de services allant de la simple tenue des livres, à la revue des comptes, avec ou sans certification, ou à l’audit. L’entreprise peut opter pour les services d’un simple comptable ou ceux d’un CPA, Certified Public Accountant, expert comptable, dont le rôle dépasse souvent les fonctions traditionnelles de ses homologues français jusqu’à devenir un véritable conseiller financier et fiscal. Leurs honoraires sont calculés selon les mêmes modalités que ceux des avocats.
c) Les banques sont un interlocuteur nécessaire. L’ouverture d’un compte courant permet de faciliter les règlements aux Etats-Unis et surtout de commencer à constituer une credit history, à défaut de laquelle il sera difficile, voire impossible, d’obtenir un crédit ou même une simple carte de crédit aux Etats-Unis. Le crédit étant réservé aux sociétés établies depuis deux ou trois ans et ayant fait preuve de rigueur financière, il est donc urgent d’ouvrir un compte, même peu actif à ses débuts. La banque peut conseiller sur les moyens de paiement les plus usités et adaptés au type d’activité et mettre en place les circuits correspondants. Certains établissements français ont des départements spécialisés dans ce domaine aux Etats-Unis. On signalera ici une obligation d’accomplir les formalités d’ouverture de compte bancaires en personne.
d) Les courtiers en assurances s’avèrent extrêmement utiles, sachant que la législation sur les assurances est propre à chaque Etat et que l’assurance-santé est facultative aux Etats-Unis. Lorsqu’il y a une présence commerciale aux Etats-Unis avec du personnel local, il faut assurer les bâtiments, les salariés, parfois les produits ou biens vendus, et mettre en place des polices de couverture, ainsi pour la responsabilité civile.
L’entreprise doit également s’assurer contre les risques d’accidents du travail, workers’ compensation, de chômage, unemployment, parfois, les incapacités, disability. D’éventuels avenants à ces polices d’assurance américaines doivent de plus prévoir les conditions de couverture d’assurance «internationale» si des employés de l’entreprise américaine sont amenés à se déplacer en dehors du territoire des Etats-Unis pour des besoins professionnels.
Par ailleurs, lorsqu’une entreprise détache des employés aux Etats-Unis, elle devra se renseigner sur les conséquences d’un tel détachement au regard du droit du travail et des régimes de retraites et de sécurité sociale. Se posera la question du régime applicable et il conviendra de déterminer le régime le plus avantageux pour l’entreprise et les salariés concernés, en termes de coût et de protection sociale. Le droit français analyse de façon différente les régimes d’expatriation et de détachement, tant en matière de droit du travail que dans le domaine de la protection sociale.
e) D’autres types de services, optionnels, peuvent, selon les cas d’espèces, se révéler utiles. On citera, notamment:
– les agences immobilières, fortement recommandées pour le choix de locaux car elles cerneront mieux les besoins en fonction des prix du marché et, le cas échéant, des règles sur l’environnement; en liaison avec un cabinet d’avocat, elles pourront aider aux négociations, avec le bailleur;
– les agences de recrutement permettent de gagner du temps dans le recrutement de personnel local;
– les agences de relations publiques et de publicité: leur intervention peut, selon le secteur d’activité, la nature de ses produits ou services, le degré de pénétration du marché américain par l’entreprise…., être opportune. L’entreprise doit, en outre, envisager un budget de communication, en fonction de la taille, du produit et de sa stratégie commerciale.
Ces aspects ne doivent ni surprendre, ni dissuader. Ils expriment une autre conception et une autre pratique de la vie des affaires à laquelle doit se préparer un investisseur qui choisit de s’implanter aux Etats-Unis tant sur le plan psychologique que sur le plan de son budget. En bénéficiant de la compétence de ses différents conseils, il sera en mesure d’être plus rapidement efficace et opérationnel sur le marché américain.
PASCALE LONGUET
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