Les investisseurs ont essentiellement à leur disposition : la branch, succursale, (comme en droit français, ce n’est pas une entité juridique nouvelle), la general partnership, société en nom collectif, la limited partnership, société en commandite, la corporation, société de capital, la limited liability company ou LLC, société à responsabilité limitée.
En raison d’inconvénients majeurs, les trois premières formes juridiques sont finalement peu utilisées par les investisseurs étrangers qui leur préfèrent la corporation ou la limited liability company.
La Branch
Dépourvue de personnalité morale, la succursale a donc pour inconvénient majeur de ne pas isoler la responsabilité de la société-mère française qui, en cas de difficultés, reste ainsi totalement exposée. En outre, les services fiscaux américains peuvent à l’occasion de la taxation de la succursale exiger des informations sur l’ensemble de la société française.
Les Partnerships
La structure du partnership est généralement utilisée pour des projets de faible envergure. Il s’agit d’un groupement de personnes (physiques et/ou morales) entre lesquelles il existe une communauté d’intérêts économiques. Il en existe deux types, le general partnership et le limited partnership, qui, tous deux, ont l’inconvénient que le general partner est responsable personnellement et sans limitation de toutes les dettes et obligations du partnership. Si dans un limited partnership, le limited partner est responsable à hauteur de son apport, il ne peut, en revanche, participer à la gestion de la société. Un limited partnership doit toujours avoir un general partner qui sera personnellement responsable des obligations du partnership. Fiscalement les partnerships ont pour avantage d’être des structures transparentes dont les revenus sont imposés au niveau des associés.
Un general partnerpeut céder librement ses intérêts, mais la cession ne confère au cessionnaire aucun pouvoir de direction du partnership. Le consentement de tous les partners est nécessaire lorsque la cession a pour objet de faire rentrer un nouveau membre. De même, le membre d’un limited partnership peut librement céder ses intérêts ; cependant le cessionnaire ne peut devenir limited partner qu’avec le consentement écrit de tous les partners.
La Corporation, Structure Classique de l’Implantation
Sa simplicité en fait la structure juridique privilégiée des investisseurs.
Le Choix de l’Etat de Constitution
A la différence de la France, le lieu d’implantation de la structure juridique revêt une certaine importance sur le plan juridique. En effet, les structures juridiques sont régies par la loi de l’Etat où elles sont constituées, et chaque Etat dispose de son propre code des sociétés.
Par ailleurs, l’Etat de constitution d’une société n’est pas toujours celui dans lequel une entreprise exerce son activité. Une société, constituée dans un Etat, peut avoir une présence commerciale dans un ou plusieurs autres Etats et devra, alors, s’y enregistrer et obtenir un certificate of doing business, ou certificate of authority, certificat d’opération commerciale. Cette formalité, simple et rapide, est d’un coût variable selon les Etats; le Texas, New York et la Californie figurant parmi les plus onéreux.
Ainsi, le Delaware est, depuis près d’un siècle, l’Etat privilégié par les entreprises pour leur immatriculation. Plus de la moitié des “Fortune 500” et 43% des sociétés côtées à la Bourse de New York sont domiciliées dans le Delaware, en raison de ses avantages juridiques et fiscaux, lesquels demeurent acquis à ces sociétés alors même qu’elles exercent leurs activités commerciales dans d’autres Etats.
-En matière juridique, le code des sociétés du Delaware est très souple.
Les entreprises, qu’elles soient ou non présentes commercialement dans le Delaware, y bénéficient d’une sécurité juridique accrue liée au développement du droit des sociétés et de la jurisprudence, très attentif aux besoins des entreprises.
-En matière fiscale, le Delaware n’a pas d’impôts sur les bénéfices, à la différence de la plupart des autres Etats. Les corporations s’y acquittent seulement d’une Franchise Tax annuelle dont le montant est généralement faible, lors de l’enregistrement d’un rapport, Annual Report auprès des autorités de l’Etat du Delaware. En outre, consciente de cet attrait fiscal dans la décision d’implantation, les autorités du Delaware ne manifestent aucune agressivité fiscale envers les sociétés “boîtes aux lettres”. Ce n’est pas le cas, en revanche, de la plupart des autres Etats américains pour lesquels l’impôt sur les bénéfices est une source de revenus importants. En effet, une entreprise est imposée dans chacun des Etats où elle a une présence commerciale et l’extension de ses activités à d’autres Etats constitue donc un manque à gagner pour l’Etat de constitution. L’Etat de New York est, ainsi, particulièrement réputé pour son agressivité et son appétit en matière fiscale.
Création
a) Certificat de Constitution
La corporation se crée par l’enregistrement, auprès des services du Secrétaire de l’Etat, Secretary of State, d’un document constitutif, intitulé Articles of Incorporation ou Certificate of Incorporation selon les Etats. Ce document contient notamment (1) la raison sociale, qui doit toujours comporter le mot Corporation, Corp., Incorporated ou Inc. (2) l’adresse de la société, le nom et les coordonnées de son agent statutaire, Registered Agent, (3) l’objet social, souvent rédigé en termes très larges afin de permettre à la société de mener toute activité qui n’est pas interdite par les dispositions législatives de l’Etat de constitution, (4) le nombre d’actions autorisées au capital social ainsi que leur valeur nominale éventuelle, (5) les noms et adresses du ou des fondateurs, (6) la durée de la société qui, souvent, peut être perpétuelle.
Certaines notions, inconnues en droit français, doivent être précisées :
– Capital Autorisé
Dans la plupart des Etats, il n’y pas de capital social minimal. Le « capital autorisé » désigne le nombre maximal, librement fixé par les fondateurs, d’actions que la société est autorisée à émettre sans modifier son document constitutif. Ces actions autorisées ne sont pas nécessairement émises, ni a fortiori libérées dans leur totalité. Celles des actions qui ne sont ni émises ni libérées peuvent être réservées à des achats ultérieurs par d’autres actionnaires, rester disponibles en tant que dividendes ou encore servir à l’exercice d’options ou de droits de conversion.
– Valeur Nominale
La valeur nominale des actions autorisées est librement fixée par le document constitutif. A la différence du droit français et selon le droit des sociétés de chaque Etat, toutefois, les actions autorisées peuvent avoir ou ne pas avoir de valeur nominale. La portée de cette distinction est, en réalité, réduite: dans la plupart des Etats, dont New York, les droits attachés aux actions sont identiques, que celles-ci aient ou non une valeur nominale; en revanche, à New York, le montant de l’impôt dû à l’Etat lors de la constitution d’une société, organizational tax,est plus élevé lorsque les actions n’ont pas de valeur nominale.
Il est d’usage d’attribuer une valeur nominale faible aux actions, nominal par value, dans la mesure où le prix d’émission des actions doit être égal ou supérieur, à la valeur nominale. Généralement, les actions sont émises à un prix beaucoup plus élevé (des actions dont la valeur nominale est de 10 cents peuvent être émises à $10,000 ou $50,000 chacune).
– Adresse de la Société et Agent Statutaire, Registered Agent
De façon à accélérer, notamment, les formalités de constitution d’une société auprès des services administratifs des Etats, il est habituel de faire appel à des sociétés de services spécialisées, corporate service companies. Moyennant quelques centaines de dollars par an, ces sociétés de services permettent la domiciliation d’entités dans tous les Etats américains (une société peut ainsi être constituée en quelques heures), se chargent de déposer tout document dans chacun des Etats, et surtout peuvent représenter une société à des fins d’assignation lorsque la société ne dispose pas de bureaux dans l’Etat. Il s’agit d’une obligation légale que les sociétés aient un Registered Agent.
b) Les Autres Formalités de Constitution
A l’exception du document constitutif de la société qui est enregistré auprès des services du Secretary of State d’un Etat, les autres documents de constitution restent internes à la société: il s’agit des statuts, By-Laws, ainsi que des premières assemblées d’actionnaires et administrateurs. Les statuts contiennent des informations identiques à ceux des sociétés françaises, si ce n’est qu’il n’y a pas de mention des noms des actionnaires, du montant de leurs apports, du nombre d’actions détenues, ni de l’identité des dirigeants. Il n’ya pas aux Etats-Unis de registre de commerce, ni d’obligations de dépôt de comptes annuels (pour les petites structures privées cependant). La première assemblée des fondateurs met en place le board of directors, conseil d’administration, lequel, à son tour, désigne les officers, dirigeants, et approuve les offres de souscription au capital des premiers actionnaires.
c) Fonctionnement de la Corporation
– Le Board of Directors : dans les Etats de New York et du Delaware, notamment, un seul administrateur, qui peut être actionnaire, suffit. Les administrateurs supervisent la gestion de la société et sont tenus, à son égard, principalement, du duty of care, devoir de diligence, et du duty of loyalty, devoir de loyauté. Tout manquement à ces devoirs peut engager leur responsabilité personnelle. Le devoir de diligence leur impose d’agir au mieux des intérêts de la société en faisant preuve de l’attention et de la prudence que tout homme d’affaire démontrerait dans les mêmes circonstances. Il incombe ainsi aux administrateurs de se tenir régulièrement informés des affaires de la société. Par ailleurs, l’administrateur qui (i) se trouve en situation de concurrence ou de conflit d’intérêts, avec la société ou (ii) détourne à son profit une opportunité commerciale devant normalement échoir à la société, porte atteinte à son devoir de loyauté.
– Les Officers : ils sont nommés par le Board of Directors. Généralement il s’agit d’un président, d’un vice-président, d’un trésorier, et d’un secrétaire. Ces différentes fonctions peuvent être remplies par la même personne, à New York et dans le Delaware. Les officers sont les agents de la société dont ils assurent la gestion quotidienne notamment dans les rapports avec les tiers. Ils sont également tenus à des devoirs de loyauté et de diligence.
– Les administrateurs et dirigeants personnes physiques n’ont pas à être résidents des Etas-Unis.
4. La Limited Liability Company (LLC)
La LLC ou société à responsabilité limitée est une forme de société relativement récente aux Etats-Unis, apparue depuis une vingtaine d’années. Cette structure associe certains avantages de la corporation comme la limitation de responsabilité des actionnaires et des avantages fiscaux du partnership.
Comme dans la corporation,la responsabilité des actionnaires y est limitée à leurs apports et partant, ses membres ne sont pas personnellement tenus des dettes et obligations de cette société envers les tiers. En outre, selon la plupart des législations qui ont adopté la LLC, les membres d’une LLC peuvent participer à ses direction et contrôle sans perdre le bénéfice de la responsabilité limitée. Les LLC peuvent avoir un ou plusieurs dirigeants, et une administration centralisée ce qui constitue une différence avec les limited partnerships qui sont dirigés par leurs general partners. De plus dans un limited partnership, une participation excessive des limited partners peut entraîner la perte de la protection de la limitation de responsabilité.
La LLC ne constitue pas une entité sociale distincte. Chacun des ses membres peut la représenter vis-à-vis des tiers. Par ailleurs, bien structurée, la LLC présente aussi les avantages de la transparence fiscale car elle est imposée, comme les partnerships, au seul niveau de ses associés.
La LLC se crée par l’enregistrement d’un document constitutif auprès des services de l’Etat concerné. Le fonctionnement d’une LLC doit faire l’objet de la rédaction d’un contrat détaillé, ou operating agreement. Les membres y disposent d’intérêts librement cessibles, sauf disposition contraire de l’operating agreement, des textes législatifs des Etats qui régissent les LLC, et des dispositions sur les valeurs mobilières, securities laws. Les lois sur la LLC n’imposent ni de minimum aux contributions des membres en contrepartie de parts d’intérêts dans la LLC, ni de minimum pour la capitalisation de la LLC.
La LLC a pour inconvénient un coût de constitution parfois élevé selon les Etats, ainsi à New York ou des formalités de publication sont obligatoires. De surcroît il y a encore peu de jurisprudence sur ce domaine par rapport à celui de la corporation. Enfin, l’intérêt fiscal du choix de cette structure doit être étudié avec un expert comptable local.
5. La Joint-Venture
La joint-venture ou co-entreprise, se définit comme une relation juridique entre deux ou plusieurs personnes en vue de la poursuite d’un projet spécifique commun et dont la durée est généralement limitée à celle du projet commun. A l’exception de la durée, la joint-venture est généralement régie selon les mêmes principes que le partnership. La joint-venture est dissoute après la réalisation du projet.
6. Le sole proprietorship
Le sole proprietorship est une forme très simple qui peut être intéressante si vous démarrez seul(e) une affaire qui ne vous expose pas à trop de responsabilités et n’engage que de faibles capitaux.
Si votre business se développe, vous pourrez toujours « incorporer » plus tard.
C’est vous, personne physique, qui possédez votre affaire et vous en êtes totalement responsable. Votre responsabilité est illimitée et s’étend à la communauté des biens des époux.
Sur le plan fiscal, le travailleur indépendant déclare sur sa feuille d’impôts personnelle toutes pertes ou profits générés par l’affaire. En plus de l’impôt sur le revenu, le travailleur indépendant doit payer 15,3% de charges sociales et 2,9% de « medicare tax ». Les salariés ne payent que la moitié de ces taux, l’autre moitié étant acquittée par l’employeur (qui peut être votre propre corporation comme nous le verrons plus loin).
Avantages: C’est simple, peu coûteux à monter et on ne paye pas deux fois l’impôt.
Inconvénients: La responsabilité est illimitée et, en cas de faillite par exemple, vous devrez vous-même payer toutes les dettes sur vos biens propres.
Si votre affaire grandit, attention à ne pas dormir sur votre statut et veillez à changer vite de structure. Incorporez votre business! Dans un pays où les procès fleurissent facilement, c’est une structure juridique où votre responsabilité est trop exposée.
Cet article a été écrit en 2014 en coopération avec Pascale Longuet, avocate à New York, experte en création d’entreprise aux Etats-Unis.