Grandes différences entre l’héritage en France et aux USA
L’héritage, avec droit de réserve, comme en France n’existe pas aux Etats Unis.
Ce n’est pas un droit mais un privilège que l’Etat vous accorde.
Si l’Etat après le décès d’une personne a besoin de sa propriété à des fins publiques, il a le droit, contre compensation, de se l’approprier.
Si une personne meurt sans dispositions testamentaires précises, c’est la loi des différents Etats qui va décider qui doit recevoir la propriété.
Faire un testament ne suffit pas à transmettre vos biens à vos héritiers.
Votre succession devra la plupart du temps passer devant un tribunal (« probate »). Et c’est lui, en principe selon vos voeux, qui va décider qui va hériter.
C’est donc le tribunal qui va faire payer les dettes et trancher dans les disputes éventuelles d’héritiers.
C’est un procédé long ( de 18 mois à 2 ans) et coûteux. Cela peut monter à plus de 10% de la valeur totale de vos biens, dettes incluses.
Ce qui signifie que, si vous avez par exemple une maison d’une valeur de 400 000 dollars avec un « mortgage » de 320 000, vos héritiers auront à payer environ $40 000 de frais soit 50% de votre patrimoine qui est de 80 000 sans les dettes.
Cela donnera des maux de têtes tenaces à vos héritiers qui peut-être toucheront une part infime de vos biens. Car les frais auront presque tout consommé.
Les biens inclus dans un « Living Trust » et ceux dont la propriété est en « Joint Tenants » sont exemptés du « probate ».
Comment prévoir sa succession?
Comme toujours en matière d’argent, les Américains sont très créatifs et ils ont trouvé des parades à cette situation.
L’objet de cet article n’est pas de vous donner des conseils pour trouver une solution précise à votre cas, mais bien plutôt de vous sensibiliser à ces lois américaines qui sont complètement différentes de celles de la France.
En France, en effet, même si vous décédez sans testament, vos enfants auront toujours de 50 à 75% de votre patrimoine (selon le nombre d’enfants), mais il se peut aussi, si vous êtes mariés sous la séparation de biens, que votre conjoint n’ait pas grand chose de votre patrimoine.
Aux Etats Unis, c’est presque le contraire.
Votre conjoint, s’il est Américain, et nous verrons plus loin pourquoi, peut hériter, si vous n’avez pas pris de dispositions, de la totalité de vos biens sans payer d’impôts.
Cela s’appelle la « Marital Deduction ».
Mais vos enfants, d’un premier mariage par exemple, peuvent ne jamais rien avoir.
Très Important
Le montant des droits de succession n’est pas basé sur les liens de parenté mais uniquement sur le montant du bien.
Un ami paiera les mêmes droits que vos enfants.
Un conjoint ne paiera rien sur les biens acquis durant le mariage car il bénéficie (encore une fois, s’il est Américain) de la « Marital Deduction » et les impôts de succession seront payés lors de son propre décès.
C’est pourquoi, si vous vivez aux US, il est impératif de préparer votre succession. D’une part pour éviter des taxes et d’autre part pour ne pas spolier vos enfants, surtout ceux d’un premier mariage.
Attention: les biens mobiliers obéissent à la loi de votre lieu de résidence. MAIS les biens immobiliers obéissent à la loi du pays où sont les biens.
Nous verrons plus loin, les conséquences pour ceux qui ont des biens aux USA et en France.
Si vous vivez aux USA
Vous pouvez, peut être, penser qu’étant Français les lois américaines ne vous concernent pas si vous êtes pour seulement quelques années aux USA et que c’est la loi française à laquelle vous êtes habitué qui va prévaloir.
Détrompez-vous.
Tous les biens immobiliers qui sont situés aux Etats Unis obéissent à la loi américaine quel que soit votre lieu de résidence ET si vous êtes domicilié aux Etats Unis (ou que vous êtes Américain), tous les biens que vous avez dans le monde sont également soumis à la loi américaine.
Si vous avez des biens en France, vous aurez d’abord à régler la succession en France et ensuite aux Etats Unis.
Comme il existe une convention entre la France et les Etats Unis, vous ne paierez pas deux fois le même impôt mais si les droits sont plus forts aux Etats Unis (et s’il s’agit par exemple de vos enfants, ils peuvent l’être) vous paierez à l’Oncle Sam la différence.
Comment protéger vos proches?
Nous qui vivons dans deux pays, il est totalement impératif, si l’on veut protéger ceux qu’on aime, de prendre des dispositions précises et le simple testament est peu utile ici.
Il n’évite pas le fameux « probate ».
Ce qu’il faut envisager c’est établir un « trust ».
Notion inconnue en France car ce n’est pas reconnu par la loi.
C’est une entité juridique très en vigueur dans les pays anglo-saxons qui est créée pour agir en votre lieu et place.
Il y a un « trustee », personne morale ou physique, qui est une sorte d’administrateur, et qui est chargé de respecter la loi et vos souhaits.
Les trusts en matière de succession sont nombreux et il existe différents trusts adaptés au cas de chacun.
Les différents trusts
Pour n’en citer que quelques uns : Le Living Trust, le plus courant, le Qualified Domestic Trust, qui sera indispensable en cas d’un conjoint non Américain, the Qualified Terminal Interest Property Trust, très utile dans les second mariages, Irrevocable Trusts, souvent pour les grandes fortunes qui équivalent à des donations de son vivant, Generation Skipping Trust qui permettent de transmettre des biens à des petits enfants sans que les parents payent d’impôts, Charitable Remainder Trust ou the Wealth Accumulation Trust qui peut se combiner avec le Wealth Replacement Trust qui permettent bien des combinaisons pour permettre de payer moins d’impôts.
Il y en a même de plus folklorique comme les Fortress Trusts, les land Trusts, les Massachussetts Trusts etc.
Le tout combiné avec des assurances-vie pour payer le restant de taxes qu’il y aura à régler et on peut transmettre tous ses biens à qui l’on veut net de frais.
Tout cela pour dire que, dans ce pays, bien plus qu’en France, il est nécessaire de planifier, même si ce n’est pas très drôle.
Quelques exemples concrets
Si vous avez quelques biens
Maintenant que nous avons bien compris qu’il est nécessaire de « faire quelque chose » nous allons rester dans les cas moyens c’est à dire ceux qui ont une maison et quelques autres biens et veulent protéger leur femme et leurs enfants.
Il existe une franchise d’impôts pour les biens appelé « Unified Credit ». Si vous êtes domicilié aux Etats Unis, votre succession bénéfiera de cet abattement global. En 1997, Bill Clinton a fait voter une loi « Taxpayer Relief Act » qui a augmenté cette franchise jusqu’à 1 million de dollars de 98 à 2006.
Ce montant peut toujours changer et comme tout ce qui concerne les impôts, les détails sont forcément compliqués.
La transmission au conjoint
Si vous voulez transmettre vos biens à votre conjoint, il pourra bénéficier de la « Marital Deduction » qui est illimitée depuis 1981 à condition qu’il soit Américain.
En effet, depuis novembre 88 une loi a été votée, appelée TAMRA, qui supprime cette « Marital Deduction » à l’époux survivant s’il n’est pas Américain.
Cela a été fait pour que les fortunes d’Américains ne partent pas dans des pays où l’Amérique ne peut plus récupérer ses taxes.
Que se passe-t-il si vous êtes un couple de Français vivant quelques années aux Etats Unis, que vous achetiez ensemble une maison et que l’un disparaisse prématurément ?
Vous pouvez penser que votre conjoint héritera de votre part sans problème et pourra continuer à vivre tranquillement dans votre maison. Pas forcément.
Si vous avez, par exemple des biens supérieurs à $1.000 000 et une maison, il (ou elle) devra payer très rapidement les « Estate Tax » sur la totalité du prix du marché de la maison au moment du décès et non pas uniquement sur votre part, à moins de prouver qu’il ou elle a bien acheté sa part avec ses propres deniers. Le montant des impôts peut aller jusqu’à 55% du montant du patrimoine imposable.
Exemple
Un couple de Français vient s’installer pour 3 ans aux Etats Unis.
Au lieu de louer une maison, ils en achètent une ensemble « as Joint Tenant » .
Ils ont également un appartement à Paris, un compte d’épargne et un portefeuille d’actions.
Le tout d’une valeur de $1 500 000.
Durant cette période, le mari décède. Parce qu’ils étaient résidents aux USA , tous leurs biens dans le monde sont imposables aux U.S.
Comme l’épouse n’est pas Américaine, elle n’a pas droit à la « marital deduction » et devra payer dans les 9 mois des droits de succession sur 1 500.000 – 1 000 000 dollars soit sur 500 000 dollars.
En France, elle devra payer ce qui est dû sur l’appartement et ce montant sera alors déduit des impôts payés aux US.
Comment remédier à cet état de choses ?
- En devenant Américain.
L’époux survivant bénéficiera automatiquement de la « Marital Deduction » et ne paiera pas d’impôts.
Ces impôts seront reportés à son propre décès.
C’est pourquoi, là encore, un trust est indispensable surtout si l’on veut, par exemple, protéger les enfants d’un premier mariage.
- En faisant un Qualified Domestic Trust (QDT).
C’est un trust qui d’abord évite le « probate » et qui surtout permet de différer le paiement des droits de succession.
Par exemple, cela peut donner le temps au survivant non Américain de le devenir et de bénéficier alors de l’exemption totale d’impôts en application du « Unlimited Marital Deduction ».
Ce trust doit avoir un « trustee », sorte d’administrateur, qui doit être Américain.
L’époux survivant ne pourra pas dépenser le capital du trust, sauf en cas d’urgence économique, mais il en aura l’usufruit.
Pour qu’il puisse profiter du capital, il faut soit qu’il devienne Américain soit qu’il paye tous les impôts sans pouvoir profiter de l’ exemption fiscale dont on a parlé plus haut (Marital Deduction)
Quand est-il indispensable de faire un trust?
En gros, quand on veut que ses enfants héritent.
Quand on a un patrimoine de plus de $1 000 000 et que l’on veut que son conjoint non Américain hérite et ne paye pas d’impôts immédiatement.
Si l’on possède une propriété en « Joints Tenants » et que l’on veut éviter tous problèmes de « capital gain » si votre conjoint vend la maison après votre décès.
Si l’on veut transmettre à qui que ce soit d’autre que son conjoint un patrimoine de plus de $100 000 (ce chiffre peut varier dans le temps et selon les Etats) et éviter ainsi le « probate ».
Si l’on a un certain patrimoine et que l’on veut que ses volontés soient exécutées en faisant payer à ses héritiers le moins d’impôts et de frais possible.
Si l’on veut se protéger soi-même en cas de maladie qui vous plonge dans l’incapacité physique ou mentale.