Il existe dans le monde occidental deux grands types de droit, le droit civil et la « Common Law ».
Par exemple, le droit français est un système de droit civil qui remonte à Napoléon et à la rédaction du code civil et du code de commerce. Le droit français est fondé sur la suprématie du droit écrit. La loi, c’est ce qui est écrit par le Parlement, et rien d’autre.
Les conséquences des différences de droit
Dans le système du droit civil, le juge est le garant de la bonne application de la loi écrite. Lorsque la loi n’est pas très claire, le juge peut l’interpréter et décider qu’elle s’applique ou non au cas particulier qu’il examine.
Droit civil et jurisprudence
L’ensemble des décisions rendues par les tribunaux de justice constitue ce que l’on appelle la jurisprudence. La jurisprudence est une source de droit secondaire par rapport aux textes de lois. En effet, le juge ne peut jamais créer une règle nouvelle, ni ajouter au texte de loi auquel il se réfère pour justifier sa décision. Seul le Parlement est compétent pour modifier la loi. Si l’on étudie un peu plus cette conception, on trouve à sa base l’idée que le Parlement a le pouvoir d’édicter la loi parce qu’il est élu démocratiquement et qu’il représente la volonté de la majorité. Le juge n’a pas cette légitimité puisqu’il n’est pas élu, mais nommé par l’Etat dont il est un fonctionnaire.
La common law
Qu’en est-il pour l’autre système de droit, la « Common Law » ?
La « Common Law », qui est le système de droit en vigueur aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons repose sur une philosophie très différente. En effet, les règles de droit se sont formées au fur et à mesure des décisions des juges. Ces décisions constituent des précédents dont les tribunaux s’inspirent pour trancher des litiges dont les faits sont proches de ceux d’un cas antérieur.
Pour des raisons de nature historique, le fondement de ce droit repose sur ce réseau de règles de source jurisprudentielle. La jurisprudence américaine est donc la source de droit essentielle.
Common law et jurisprudence
La jurisprudence américaine est donc la source de droit essentielle à la différence de la jurisprudence française qui est une source de droit dérivée. Le terme « Common Law » recouvre la jurisprudence et les règles de droit qui en sont issues. Par la suite, les Américains ont rédigé un certain nombre de codes au niveau fédéral en matière commerciale et civile.
Codes au niveau fédéral en matière commerciale et civile
Ces codes sont des lois types à la différence de nos codes français. Dans de nombreux cas, ces codes reprennent et organisent l’ensemble des règles élaborées au fil des décisions de justice. Ces textes n’ont donc pas le rôle de fondement juridique qui caractérise le code civil et le code de commerce français.
Cela veut dire que ces codes ont surtout une valeur de référence pour les tribunaux.
Les juges vont s’en servir comme d’un élément de leur décision parmi d’autres. Ces codes sont aussi utilisés par les Etats pour former leurs propres législations.
Le fondement du droit aux Etats-Unis se trouve donc avant tout dans la « Common Law », cela donne un droit plus flexible et plus proche de la réalité, mais aussi un droit qui offre moins de sécurité et de certitude, et cela peut être déroutant pour un esprit français.
Je crois que le meilleur exemple en est le droit à l’avortement.
L’exemple de l’avortement
Tous les journaux parlent régulièrement de la remise en question du droit à l’avortement. Pour comprendre ce débat, il faut savoir qu’il n’existe pas de loi fédérale protégeant le droit à l’avortement (une loi fédérale est une loi votée par le Congrès des Etats-Unis dont le siège se trouve à Washington).
Il y a 20 ans, dans une affaire désormais célèbre du nom de « Roe contre Wade », la Cour Suprême a déclaré que l’avortement n’était pas contraire à la Constitution des Etats-Unis.
Conséquence de l’arrêt Roe contre Wade
La Cour sanctionnait les Etats qui restreignaient la liberté de choix d’avorter au-delà de limites raisonnables. En pratique, les Etats ne pouvaient pas interdire l’avortement, ni le soumettre à des règles strictes. Tout cet ensemble de règles qui protégent l’avortement repose donc sur la jurisprudence de la Cour Suprême.
La jurisprudence de la Cour Suprême
Les règles qui protégent l’avortement repose donc sur la jurisprudence de la Cour Suprême. Or, les juges ont le pouvoir de modifier leurs propres règles. La Cour Suprême est actuellement en train de réduire les effets de Roe contre Wade à une peau de chagrin. Elle estime désormais qu’il n’existe pas de fondement constitutionnel pour interdire aux Etats de restreindre l’avortement. Si le président et le congrès sont républicains, plutôt de tendance conservatrice…, alors il y a beaucoup plus de chances pour que cette jurisprudence soit remise en cause, avec les conséquences sociales très graves que cela peut engendrer. En effet, la décision dépend des convictions personnelles des 9 juges de la Cour Suprême qui sont nommés par le président. Si l’on compare avec le système français, pour modifier notre législation en matière d’avortement.
Comparons avec le système français
Dans le système français, il faudrait modifier notre législation en matière d’avortement :Il faudrait que la majorité des élus de l’Assemblée Nationale, soit environ 250 députés, votent une telle loi. De plus ce texte pourrait être soumis au Conseil Constitutionnel par n’importe quel citoyen. Le système américain laisse donc un très grand pouvoir aux juges de la Cour suprême, comment sont-ils nommés?
Nomination des juges de la Cour Suprême
Aux Etats-Unis, en l’absence d’une loi fédérale protégeant l’avortement, une majorité de 5 juges contre 4 peut entièrement modifier un domaine aussi important. On comprend mieux dans ces conditions l’importance des personnes nommées et la férocité des débats qui entourent une nomination à la Cour Suprême, toutes choses qui nous sont inconnues en France.
Les juges ne sont pas élus par la population.
Un autre élément à considérer est le fait que les députés qui voteraient une loi anti-avortement en France, devraient répondre de leur vote devant leurs électeurs à plus ou moins brève échéance. Les juges de la Cour Suprême, eux, sont nommés à vie et n’ont pas de sanction politique immédiate.
Tout cela illustre bien les différences de la « Common Law » par rapport au système de droit civil français, dans un domaine très controversé.
Cette analyse doit cependant être nuancée.
Cette analyse doit cependant être nuancée
Il existe bien sûr de nombreux textes de loi écrite aux Etats-Unis que les juges appliquent sans les modifier, mais la conception de la « Common Law » imprègne toujours très fortement le système judiciaire. Il en résulte une grande absence de certitude pour ceux qui ont affaire à la justice américaine, et l’impression de se trouver face à un droit incompréhensible
Cette analyse doit cependant être nuancée.