Mathieu Lapôtre, arrivé depuis 3 ans aux Etats-Unis est doctorant au California Institute of Technology et a intégré l’équipe scientifique du Mars Science Laboratory de la NASA. Il nous livre son parcours et sa vision des Etats-Unis.
Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?
Ma sœur a déménagé aux US après avoir eu sa green card par le biais de la Diversity Lottery, et j’ai eu l’occasion de lui rendre visite à plusieurs reprises. Ces visites ont éveillé mon intérêt envers le pays. En école d’ingénieur, j’ai pu effectuer trois stages de recherche aux US. J’ai également passé un an à Oslo en Norvège en Erasmus, ainsi que 6 mois en stage au Royaume-Uni. J’ai ainsi pu comparer comment fonctionne la recherche dans quatre pays (France, Norvège, UK, US). Le système de thèse à l’américaine m’a beaucoup séduit, et j’ai donc décidé de candidater pour un doctorat aux US.
Quel a été votre parcours professionnel et étudiant depuis votre arrivée aux Etats-Unis ? Qu’est-ce qui vous a conduit dans cette voie plutôt qu’une autre ?
Je suis en thèse de doctorat au California Institute of Technology (Caltech) depuis Septembre 2012. J’y étudie la géologie et la planétologie. Caltech est un endroit unique au monde en terme de recherche scientifique.
Durant leur première année, les étudiants en thèse travaillent sur deux projets différents qu’ils ont eux-même imaginés. Cela permet aux étudiants de tester leurs propres idées. En début de deuxième année, les étudiants sont convoqués devant un jury de plusieurs professeurs afin d’être interrogé sur leurs deux projets (qualifying exam, ou quals). Si l’étudiant réussi ses quals, il est invité à poursuivre sa thèse dans le départment. A la fin de sa troisième année au plus tard, l’étudiant doit avoir passé ses quals, fini de prendre les cours requis par le départment, ainsi que rédigé un plan de thèse, après quoi il devient PhD Candidate.
Les années suivantes sont dévouées à la publication des travaux de recherche ainsi qu’à la rédaction de la thèse de doctorat. Cette dernière étape varie entre 2 et 4 ans suivant les personnes (avec bien sûr des exceptions !). J’en suis maintenant dans cette dernière phase de ma thèse, et commence ma quatrième année à l’automne. Durant ma première année, j’ai candidaté à une bourse de financement de la NASA, que j’ai reçue. J’ai également intégré l’équipe scientifique du Mars Science Laboratory (MSL) de la NASA, et participe aux opérations du rover Curiosity sur Mars.
Quelles sont vos missions au sein du MSL ? En quoi sont-elles en adéquation avec vos attentes et expectatives ?
Au sein de l’équipe scientifique de MSL, je contribue aux opérations du rover, ainsi qu’à l’analyse des données et à la planification de la campagne. Bien entendu, mes contributions sont très modestes : nous sommes très nombreux dans l’équipe, et chaque décision doit être approuvée par une cohorte de scientifiques et d’ingénieurs afin d’assurer la sûreté du rover, de ses instruments, et d’en optimiser les résultats. Faire partie de l’équipe scientifique m’offre l’opportunité de vivre la mission de l’intérieur, d’en comprendre les rouages, ainsi que d’intéragir avec une multitude de scientifiques de talent.
Travailler dans votre domaine a fait rêver de nombreuses générations. Quels conseils donneriez-vous à un-e jeune français-e qui souhaiterait aussi travailler pour la NASA ?
De nombreux laboratoires français sont impliqués dans la mission MSL. De façon générale, le CNES collabore avec la NASA sur de nombreux projets, et passer par les laboratoires français n’est pas une mauvaise idée. Pour ceux qui préfèrent l’expérience à l’international, les US sont évidemment une destination de choix en termes d’exploration spatiale, mais pas seulement : de nombreux laboratoires partenaires de l’ESA (European Space Agency) offrent des bourse de thèses un peu partout en Europe.
Les principales différences entre faire sa thèse en Europe et aux US sont la durée et le financement. En Europe, les étudiants candidatent à un projet bien défini pour lequel un financement a déjà été attribué. Aux US, l’étudiant est généralement accepté avant même de savoir sur quoi il va travailler, et c’est bien souvent à lui d’écrire un/des proposal(s) de recherche, d’où la plus longue durée de la thèse. Bien que cela puisse être décourageant pour certains, effectuer sa thèse aux US permet d’expérimenter ce que de nombreux chercheurs n’expérimentent pas avant leur premier postdoc, ce qui peut être un avantage en début de carrière.
Qu’est-ce qui vous a surpris le plus à votre arrivée aux USA?
L’amabilité des gens et leur ouverture d’esprit (en tous cas sur la côte Ouest !). Aussi, le manque de hiérarchie dans la recherche – tous mes superviseurs se font appeler par leur prénom (ou par un surnom), alors qu’en France on me demandait des les appeler M./Mme. Enfin, le fait qu’un chercheur qui a travaillé sur un sujet pendant des dizaines d’années prenne le temps de s’asseoir avec ses étudiants, et de leur demander leur opinion : de mon expérience, en France on a tendance à ignorer l’avis des plus novices.
Qu’appréciez-vous le plus aux Etats-Unis ?
Je suis tombé amoureux de la Californie. Tout y est : la mer, le désert, la montagne, et la ville. On peut se baigner toute l’année, faire du ski en hiver, aller voir une exposition d’art le matin et aller camper dans le désert ou des vallées glaciaires en soirée. Aussi, j’y ai trouvé l’âme-sœur!
Quelles sont les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées dans ce pays?
Je ne dirais pas que j’ai eu de grandes difficultés à déménager aux Etats-Unis, juste quelques désagréments. En particulier, la procédure d’obtention d’un visa est compliquée (bien qu’elle ait été grandement simplifiée entre 2011 et 2015 !). Passer la frontière en tant que non-résident est toujours plutôt désagréble (préparez-vous à de longues attentes si vous atterrissez dans un grand aéroport). Une fois de plus, je ne peux que parler de mon expérience sur les côtes Ouest et Est des US. Entre les deux, il paraîtrait que les différences culturelles sont plus importantes (les US est un pays de tous les extrêmes)… !
Quelle est votre anecdote préférée sur les Etats-Unis?
J’y ai survécu un an sans voiture. Bien que cela peut paraître mineur, ce n’a pas été facile du tout ! Les transports en commun à Los Angeles sont très peu développés, et l’agglomération fait, en gros, 100 km par 100 km… Autant dire que l’achat d’une voiture a changé ma vie !
Si vous deviez rentrer en France, qu’est-ce qui vous manquerait des US?
La diversité culturelle, les opportunités professionnelles, le cadre de vie. Moins sérieusement, les magasins ouverts la nuit et les week-ends, et les boissons illimitées au restaurant. Plus spécifiquement à la Californie, les paysages et la nourriture mexicaine.