Breton d’origine, Roger Nicolas est arrivé aux Etats-Unis en 1965 et représente ce que beaucoup imaginent dans le rêve américain : Partir de rien pour atteindre une aisance de vie formidable…
Comment expliquez-vous qu’un Breton débarque en plein New York il y a 40 ans ?
Les Bretons ont toujours été marqués soit par un esprit casanier soit par un esprit aventurier. A New York, il y a beaucoup de Bretons dans la restauration. C’est comme cela que je suis arrivé. J’ai commencé à travailler comme commis de salle dans le restaurant « La Grenouille » sur la 5ème avenue. Quatre ans plus tard, j’étais maître d’hôtel dans un restaurant du « Lodge » à Pebble Beach.
Qu’avez-vous fait pour évoluer si vite?
Je n’avais aucune formation mais la volonté d’étudier. J’ai décidé d’apprendre, d’observer de près. Je suis devenu l’ami du boucher, du patissier, du maître d’hôtel…etc. J’ai beaucoup lu sur les vins, la nourriture souvent jusque des heures très matinales afin de me faire une éducation culinaire et sur les vins. Je devais faire des discours sur les vins dans le cadre de mes fonctions.
Vous avez ouvert votre premier restaurant très jeune ?
Mon but était d’avoir mon affaire à 30 ans ce que j’ai fait en ouvrant mon premier restaurant à San Francisco qui s’appelait « La Potinière ». Trois ans plus tard, j’en ai ouvert un autre à San Matteo.
Pourquoi avez-vous quitté ensuite la Californie pour vous installer dans le New Hampshire ?
J’ai toujours été excentrique et j’écoute mon instinct. Des clients m’ont parlé d’une propriété dans cette région qui offrait à ce moment beaucoup d’avantages pour moi. J’ai acheté cette propriété de 12 hectares avec un petit château. Je l’ai rénové et transformé en une auberge et un restaurant. J’ai fait de la cuisine eurasienne, une nourriture allégée ce qui était nouveau fin des années 80. Cela m’a permis de sortir dans de grands magazines nationaux (Magazine Gourmet, Bon Appetit, National Geographic…etc.), locaux, internationaux et des guides. Quand vous avez un article dans un magazine national dans ce pays, c’est énorme. Mon auberge était connue. J’ai pu élever seul mes enfants plus facilement qui avaient alors 5 et 7 ans. Cela m’a permis de rencontrer aussi de nombreux parents d’élèves, ce qui m’a aidé pour mon auberge. Trois ans après, j’ai acheté une autre auberge dans le Vermont.
N’était-ce pas un pari très osé d’avoir développé cette affaire en partant de rien ?
La propriété se situait sur un petit chemin de campagne à 20 minutes de toute ville. J’ai dû emprunter $300.000 pour investir $500.000. Les Etats-Unis offrent plus d’opportunités et je pense que vous avez plus de possibilités d’emprunt qu’en France. Les risques étaient calculés mais c’est vrai que beaucoup de gens m’ont dit que c’était fou…J’ai toujours cru en mon ambition et j’étais déjà connu en Californie avec une clientèle de tous les Etats-Unis.
Si vous êtes imaginatif et faites “vos devoirs”, vous réussissez.
Après cette aventure, expliquez nous comment vous avez complétement changé de cap ?
On dit que l’hôtellerie et la restauration, c’est comme l’esclavage mais c’est également un « stepping stone »*. J’ai tout vendu à 50 ans et j’ai choisi ma retraite. Je suis revenu en Californie où le climat est très agréable et malgré mes 50 berges…je me suis remis au cyclisme où j’ai eu le plaisir de courir avec Lance Armstrong ! Quand j’étais petit, je pensais que 50 ans, c’était âgé. Je commence maintenant la 2ème partie de ma vie.
J’ai toujours eu un fantasme : avoir un vignoble.
* tremplin
Comment avez-vous concrétisé votre fantasme de devenir viticulteur ?
Le rêve est devenu réalité quand j’ai trouvé cette propriété de 20 hectares de terrain dans un cadre spectaculaire entre Los Angeles et San Francisco à Paso Robles. C’est une nouvelle région viticole qui est en train d’exploser en ce moment. Il y a une vieille batisse où j’ai fait beaucoup de travaux pour en faire comme un petit village dans les tons provençaux. J’ai planté quelques vignes, pris des cours à l’université en viticulture et en oenologie. J’y ai pris goût, compris ce qu’était de faire un grand vin et j’ai décidé d’en faire.
Avez-vous commencé à faire du vin ?
J’ai fait mon 1er vin en 2002. En 2004, j’ai obtenu toutes mes licences. L’année prochaine, je mettrais mon vin en bouteille sous le nom de « Prélude » avec mon nom de domaine RNEstate. Mon nom est Nicolas mais les magasins Nicolas ayant déposé leur marque mondialement, j’ai préféré utiliser autre chose qui soit de plus un nom plus facilement reconnaissable par les Américains.
Comment comptez-vous vendre votre vin ?
Si vous avez un produit exceptionnel et si vous y mettez votre passion, vous réussirez. J’ai déjà fait des choses en marketing comme un site internet ou des cartes postales. J’ai connu beaucoup de chefs, d’amis et de gens qui ont travaillé avec moi et qui pourront distribuer ces vins. Ce sera un vin exceptionnel. Paso Robles est une colonie d’artistes dans le monde du vin. Ce n’est pas encadré comme dans la Napa Valley ou à Sonoma ou comme en France. Les gens sont plus ouverts d’esprit et les vins sont plus originaux.
Dans votre parcours très réussi, vos parents vous ont-ils aidé ?
Ils m’ont toujours fait confiance. J’ai eu un atout : je n’ai reçu aucune éducation professionnelle en finissant l’école à 16 ans. Je n’avais pas de frontière dans ma cuisine, dans mon mode de vie. Le plus grand succès n’est pas matériel mais celui de devenir un meilleur humain, de s’exprimer dans la vie.
Quels sont les plus grands traits de caractère des Américains selon vous ?
Ils sont très ouverts d’esprit pour écouter et apprendre. Ils sont arrivés ici comme explorateurs, ils bougent beaucoup plus que les Européens. Ils sont moins critiques que les Français et vous acceptent comme vous êtes. Ils ne sont pas aussi raffinés pour s’habiller, se nourrir. Je parle plus de la Californie où le climat est spectaculaire même si on a des petits tremblements de terre et des tempêtes…Il y a une aisance de vie, on dit bonjour à tout le monde, la relation n’est pas profonde mais c’est agréable.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent vivre aux Etats-Unis ?
On doit être plus actif et individuel ici qu’en France. Il faut être préparé à un monde différent, communiquer en anglais. Il n’y a pas les lois sociales comme en France, pas d’assurance santé. Il faut essayer de développer une plus grande largesse d’esprit qu’en France, ne pas avoir peur d’explorer et d’avoir des façons différentes de penser. Les Américains acceptent plus facilement les étrangers, ils adorent les Français sauf les deux dernières années avec la crise politique…mais c’est un peu une réponse à notre attitude. Les gens nous traitent comme nous les traitons. Presque tout est possible ici aux USA.