Sophie Boller a passé la majorité de sa vie professionnelle aux Etats-Unis, elle en est revenue et réside désormais en France depuis peu. Elle nous raconte son parcours avec ses joies et obstacles. Un témoignage rare d’une vie américaine suivie par un retour en France en ayant saisi les opportunités au bon moment.
Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?
Je suis partie aux Etats-Unis en janvier 1995 car j’étais fiancée à un Américain à Los Angeles. On pensait que nous allions rester 3-4 mois aux USA pour aller ensuite à Londres. Je suis partie avec 2 valises. 2 mois après mon arrivée, mon fiancé avait une proposition pour rester à Los Angeles et finalement je suis restée. Je revenais régulièrement en France car je travaillais dans la vente internationale de programmes de télévision.
Comment avez-vous fait pour votre visa ?
Au départ, j’avais un visa touriste car je faisais beaucoup d’allers retours. Puis on s’est marié et un avocat d’immigration s’est occupé des papiers. J’ai pu avoir un permis de travail pour sortir et entrer en attendant l’interview pour la carte verte. Il fallait à l’époque déjà attendre 1,5 an ! Comme on s’est séparé 1 an après avec mon mari, j’ai tout arrêté pour la procédure de carte verte par mariage. J’avais trouvé un emploi et l’entreprise qui m’embauchait me sponsorisait pour un H1B. Le visa H1B me liait à l’entreprise.
Comment avez-vous obtenu la carte verte ?
J’ai participé à la loterie pour la carte verte et l’été suivant, je faisais partie des 10.000 premiers numéros tirés au hasard ! J’ai beaucoup d’amis autour de moi qui ont gagné leur carte verte avec la loterie. J’ai fait tous les papiers, je suis passé par un avocat pour avoir quelqu’un « on top of it » et être sûre de ne pas faire d’erreur, cela a duré un an. Après j’ai demandé la nationalité américaine et comme cela ne va pas plus vite avec un avocat, j’ai fait toutes les démarches moi-même.
Quel a été votre parcours là-bas ?
Je travaillais, comme à Paris avant mon arrivée à Los Angeles, dans la production et la coproduction internationale de programmes de télévision. Principalement des documentaires. Je vendais surtout mon carnet d’adresses… et cela ne me passionnait plus du tout. J’ai eu un grave accident de voiture en 2001 qui a changé ma façon d’organiser ma vie. Je ne pouvais plus voyager autant -et mon travail à ce moment là me faisait énormément voyager. Je n’avais jamais cherché de travail ni envoyé de CVs. Tout d’un coup, j’ai dû le faire mais cela ne marchait plus. Les seules personnes qui me rappelaient étaient mes professeurs de yoga. J’avais déjà 3 ans de formation de professeur de yoga et 10 ans de pratique.
Comment le yoga est-il devenu votre métier ?
J’ai pris les pages jaunes et j’ai contacté des organismes et écoles : l’école Montessori et le « shelter for battered women » (les femmes abusées). J’ai commencé à donner des cours à des enfants et femmes battues dans ce cadre. J’ai continué mes études de yoga et passer des examens certifications de yoga: 9 ans d’études pour le premier certificat, et puis quelques années de plus pour le suivant. J’ai été engagée au Santa Monica College et a l’Institut Lyengar de Los Angeles.
Pourquoi avez-vous décidé de rentrer en France ?
J’ai vu une amie qui a perdu son père en 10 jours d’un cancer et d’autres amis perdre leurs parents très vite ou très lentement. Je me suis dit que je voulais me rapprocher de mes parents avant qu’il ne soit trop tard. J’ai pensé partir pour le mois d’août 2009 pour prospecter pour enseigner le yoga en France avant de m’établir. Je me suis dit finalement que ce n’était pas très cohérent ni efficace car les Français sont en vacances en août, qu’allais-je leur dire ? Si ma résolution était prise de rentrer, alors c’était plus judicieux de déménager. J’ai choisi de me poser à Marseille car c’était proche de la Californie en termes de climat.
Comment avez-vous retrouvé la France ?
Je ne m’attendais pas à ce que les choses soient faciles. J’ai passé 15 ans de ma vie professionnelle aux USA et 5 ans en France. J’ai commencé à enseigner des petits cours sur Marseille mais au bout de 5 mois, j’étais de moins en moins convaincue et intéressée de vivre en province. J’avais vécu à Paris mais je n’imaginais pas y revivre. Dans la grisaille et dans une ville. Mais je connaissais un professeur à Paris qui est un des plus grands professeurs d’Europe. Je suis venue assister à ses cours. Vu le niveau des cours extraordinaire et le fait que tous mes amis et tout mon réseau social est à Paris, je me suis décidée à déménager à Paris où je donne maintenant des cours collectifs, des cours dans les entreprises et des cours privés.
Comment avez-vous fait pour votre installation de retour en France ?
Mes parents m’ont fait une lettre comme quoi j’étais domiciliée chez eux et donc j’ai pu obtenir immédiatement la CMU, j’ai ouvert un compte à la poste, acheter un portable : le tout dans la même journée ! J’ai été à l’Urssaf où j’ai pu obtenir en 10 jours un numéro Siret en devenant auto-entrepreneur (statut qui ne date que de début janvier 2009). Je me suis arrachée les cheveux mais tout s’est bien passé quand même. J’étais très bien organisée, je me suis fait expliquer les choses, me suis déplacée sur place en posant les bonnes questions. Pour mon déménagement des Etats-Unis, j’ai trouvé une société qui m’autorisait à remplir ma voiture avec mes affaires et tout le reste j’ai donné aux amis ou vendu.
Quels changements voyez-vous en France par rapport à quand vous l’avez quitté il y a 15 ans ?
Les gens font du yoga ! On peut être végétarien et manger très bien en France. Les gens ont plus conscience de vivre mieux et faire attention à leur alimentation. Les gens parlent anglais même à Marseille ! Qu’est ce qui vous a marqué dans les mentalités entre la France et les USA ? Il manque toujours cet esprit d’entrepreneur qu’on ressent aux Etats-Unis où on peut changer radicalement de métier. En France, c’est plutôt « J’ai cela, je ne lâche pas prise ». J’ai quitté des amis qui se plaignaient de leur boîte, de leur couple mais qui n’ont pas changé ! Il y a une bonne couche de peur en France. La vie est tellement courte, il faut y aller pourtant. Aux USA, on peut créer des choses car on vous laisse le faire (il y a cette petite flamme) alors qu’en France, on ne lâche pas prise. La force de l’inertie. Il faut s’auto-enérgiser, se renouveler, s’inventer pour créer. Le mental est plutôt : on ne connaît pas, on se méfie, et pas celui d’une fenêtre d’ouverture qui dit « on regarde et on décide ».