Lylian Chauvin est metteur en scène et comédienne à Hollywood depuis plus de 40 ans…nous l’avons rencontré pour connaître un peu mieux le parcours d’une femme dans le show bizz américain… A noter qu’il y a aujourd’hui dans l’ « Union des metteurs en scène » : 6000 hommes et à peine 100 femmes metteurs en scène…
Pourquoi avez-vous souhaité vivre aux Etats-Unis ?
Mon père, d’origine française, était américain, ma mère française. Je suis venue aux Etats-Unis 8 jours avant d’avoir 21 ans pour ne pas perdre la nationalité américaine…
Quel a été votre parcours là-bas ?
Je suis arrivée aux US en 1953, j’ai alors commencé dans une launderette (laverie-pressing) puis j’ai enseigné le français dans l’école de langues Berlitz.
J’avais fait des études en art dramatique et commencé à faire des auditions en France pour devenir comédienne. J’ai été « coach » de l’actrice Anne Francis, ce qui m’a amené à fréquenter le milieu des studios. Elle m’a encouragé à déposer des photos dans différents studios. C’est ainsi que CBS m’a appelé 3 jours après et m’a proposé un rôle dans une série télévisée. C’est comme cela que ça a commencé.
Qu’appréciez-vous aux Etats-Unis ?
L’espace. Imaginez un pays 50 fois la taille de la France sur lequel il n’y a que 250 millions de personnes. J’habite à Studio City, je vois les montagnes à 50 kms, j’ai un jardin de 2000 m2 avec 21 arbres fruitiers. Tout cela en étant en plein Hollywood et en 3 blocks* dans la ville.
L’Amérique est ce que l’Europe aurait dû devenir il y a 10 ans. Vous trouvez ici des gens avec des noms écossais, italiens, allemands..etc. et ils sont tous Américains ; c’est leur force.
* paté de maisons
Quelles sont les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées aux Etats-Unis ?
Les difficultés, c’était pas avant, c’est maintenant. Il y a quelque chose à Hollywood qui s’appelle « Agism »*… Un Sean Connery, qui a 70 ans, va travailler avec des femmes de 20-25 ans mais pour les femmes arrivées à 50 ans, la limite fatidique, cela n’est plus possible…
Il y a 10 ans, pour économiser de l’argent, les studios ont recruté des jeunes directement de l’université pour être scénaristes en les payant $650 par semaine (très peu). Cela a changé tout l’environnement. Ces scénaristes écrivent pour des jeunes. Il n’y a pas de parents, pas de professeurs, que des jeunes !
* La vieillesse
Comment a évolué Hollywood ces dernières années ?
L’industrie est passée dans les mains d’avocats, c’est devenu un business. Avant il y avait des agents, on se serrait la main et la chose était entendue. Aujourd’hui ce sont des contrats minutieux pour payer un acteur $20 millions de $ avec un agent qui prend $2 millions de commission…
Quels conseils donneriez-vous aux Français qui s’installent ?
Tout dépend ce que l’on vient faire. Pour faire de l’argent, vous y arriverez si vous êtes courageux en prenant 2 ou 3 emplois. Pour être acteur, il faut beaucoup travailler, cela ne va pas tomber tout seul du ciel. Beaucoup de Français qui viennent ici sont un peu rêveurs…Ils pensent : je suis Français donc je vais être une star. Pour réussir à Hollywood, il y a 4 grands principes : la préparation, la persévérance, la patience et la préparation à nouveau.
Pour moi par exemple, je parle aujourd’hui 5 langues que j’ai apprises en France et aux US. Je peux ainsi jouer des rôles de Russes, d’Italiennes, de Grecques, de Suédoises…etc.
Quels sont, selon vous, les plus grands traits de caractère des Américains ?
Les Américains sont immédiatement aimables. Ils vous appellent tout de suite par votre prénom. J’ai mis des années à comprendre cela et à m’y habituer. En tant que Français, on pense au début : « ils ont du culot ! ».
Ici, n’importe qui peut y arriver. Les classes aux Etats-Unis sont financières. Le fait de s’appeler Mme Chauvin ou Mme de Chauvin ne change rien. Les classes des Noirs et Mexicains existent beaucoup moins sauf dans les petits patelins du Sud des Etats-Unis.
Si vous deviez rentrer en France, qu’est-ce qui vous manquerait des US ?
Je me souviens la dernière fois que je suis rentrée (il y a 15 ans…), quelqu’un m’a dit : « Tu aimes ton pays de cons ? » en parlant des Etats-Unis, pays dans lequel il n’était jamais allé…Les Français ont la solution pour tout, ils sont sûrs de tout. Moi je ne sais pas tout. Je crois que l’ouverture d’esprit des Américains me manquerait.